Page:Nietzsche - La Volonté de puissance, t. 1, 1903.djvu/204

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

valeur ; tout aussi peu que la bonté : il faut toujours connaître le but en vue duquel ces qualités prennent de la valeur ou en sont dépourvues. — On pourrait imaginer un but d’où un savoir extrême apparaîtrait comme une non-valeur (si par exemple l’illusion extrême était une des conditions de l’accroissement de la vie, de même si, par exemple, la grande bonté était capable d’entraver et de décourager l’élan du grand désir)… Il est avéré que, pour notre vie humaine, envisagée telle qu’elle est, toute la " vérité ", dans le style chrétien, toute la " bonté ", la " sainteté ", la " divinité " ont plutôt été jusqu’à présent de grands dangers, — maintenant encore l’humanité est en danger de périr à cause d’un idéal contraire à la vie.

151.

Le christianisme, par le fait qu’il a placé au premier plan la doctrine du désintéressement et de l’amour, a été bien loin encore d’élever l’intérêt de l’espèce plus haut que l’intérêt de l’individu. Son véritable effet historique, effet fatal, a été bien au contraire de sublimer l’égoïsme, de pousser l’égoïsme individuel jusqu’à l’extrême ( - jusqu’à l’extrême de l’immortalité personnelle). Grâce au christianisme on a accordé tant d’importance à l’individu, lui donnant une valeur si absolue, que l’on ne pouvait plus sacrifier celui-ci : mais l’espèce ne peut subsister que par des sacrifices d’hommes… D