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Page:Nietzsche - La Volonté de puissance, t. 1, 1903.djvu/288

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rent, c’est-à-dire contre les ennemis de la communauté. C’est alors qu’intervient l’idéaliste de la morale et il dit : " Dieu regarde les cœurs : l’acte lui-même n’est rien ; il faut extirper le sentiment d’inimitié d’où il découle… " On se rit de tout cela dans les conditions normales ; ce n’est que dans ces cas exceptionnels, où une communauté vit absolument en dehors de la contrainte, où elle fait la guerre pour son existence, que l’on prête l’oreille à de pareilles choses. On abandonne un sentiment dont on ne peut plus concevoir l’utilité. C’était par exemple le cas au moment de l’apparition de Bouddha, dans une société très paisible et affligée d’une extrême fatigue intellectuelle. Ce fut également le cas dans la première communauté chrétienne (et aussi dans la communauté juive) qui avait, pour condition première, la société juive absolument non politique. Le christianisme ne pouvait croître que sur le terrain du judaïsme, c’est-à-dire dans un peuple qui avait déjà renoncé à sa vie politique et s’adonnait à une sorte d’existence parasitaire au milieu du régime romain. Le christianisme fait un pas de plus : on a le droit de " s’emmasculiner " davantage encore, — les circonstances le permettent. On expulse la nature de la morale lorsque l’on dit : " Aimez vos ennemis ", car dès lors la nature qui commande d’aimer son prochain et de haïr son ennemi a perdu son sens dans la loi (dans l’instinct) ; il faut alors que l’amour