Page:Nietzsche - La Volonté de puissance, t. 1, 1903.djvu/308

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chrétien) ou de celui des autres (chez le socialiste) apparaît ainsi comme une évaluation où prédomine la vengeance ; et, d’autre part, comme une ruse de l’esprit de conservation chez ceux qui souffrent par l’augmentation de leurs sentiments de mutualité et de réciprocité… En fin de compte, comme je l’ai déjà indiqué, cette décharge du ressentiment qui consiste à juger, à rejeter et à punir l’égoïsme (celui qui vous est propre ou l’étranger) est encore l’instinct de conservation chez les déshérités. En somme, le culte de l’altruisme est une forme spécifique de l’égoïsme qui se présente régulièrement dans des conditions physiologiques particulières. — Lorsque le socialiste exige, avec une belle indignation, la " justice ", le " droit ", les " droits égaux ", il se trouve seulement sous l’empire de sa culture insuffisante qui ne sait pas comprendre le pourquoi de sa souffrance : d’autre part c’est un plaisir pour lui ; — s’il se trouvait en de meilleures conditions il se garderait bien de crier ainsi : il trouverait alors son plaisir ailleurs. Il en est de même du chrétien : celui-ci condamne, calomnie et maudit le " monde ", — il ne s’excepte pas lui-même. Mais ce n’est pas là une raison pour prendre au sérieux ses criailleries. Dans les deux cas, nous sommes encore parmi des malades à qui cela fait du bien de crier, à qui la calomnie procure un soulagement.