Page:Nietzsche - La Volonté de puissance, t. 1, 1903.djvu/31

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Esquisse d’un avant-propos

1.

Les grandes choses exigent que l’on s’en taise, ou qu’on en parle avec grandeur : avec grandeur, c’est-à-dire avec cynisme et innocence.

2.

Ce que je raconte, c’est l’histoire des deux siècles qui vont venir. Je décris ce qui va venir, ce qui ne saurait plus venir autrement : la montée du nihilisme. Cette page d’histoire peut être contée dès maintenant : car, dans le cas présent, la nécessité elle-même est à l’œuvre. Cet avenir parle déjà par la voix de cent signes et présages, cette fatalité s’annonce partout ; pour entendre cette musique de l’avenir toutes les oreilles sont déjà tendues. Notre civilisation européenne tout entière s’agite depuis longtemps sous une pression qui va jusqu’à la torture, une angoisse qui grandit de dix ans en dix ans, comme si elle voulait provoquer une catastrophe : inquiète, violente, emportée, semblable à