Page:Nietzsche - La Volonté de puissance, t. 1, 1903.djvu/347

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nous ne sommes plus ni assez grossiers ni assez naïfs pour nous en laisser imposer de la sorte… Pour le dire plus poliment : nous sommes trop vertueux pour cela… Et, si la vérité, au sens ancien, fut " vérité " seulement parce qu’elle était affirmée par la morale ancienne, parce que la morale ancienne eut le droit de l’affirmer, il s’en suit qu’aucune vertu d’autrefois ne nous est plus nécessaire… Notre critérium du vrai n’est nullement la moralité : nous réfutons une affirmation en démontrant qu’elle est dépendante de la morale, qu’elle est inspirée par de nobles sentiments.

258.

Toutes ces valeurs sont empiriques et conditionnées, mais celui qui croit en elles, celui qui les vénère, ne veut précisément pas reconnaître ce caractère. Les philosophes croient tous en ces valeurs, et une des formes de leur vénération, ce fut leur effort pour faire d’elles des vérités a priori. Caractère falsificateur de la vénération… La vénération est la preuve supérieure de la loyauté intellectuelle : mais, dans toute l’histoire de la philosophie, il n’y a point de loyauté intellectuelle, — il n’y a que " l’amour du bien "… D’une part, l’absolu manque de méthode pour examiner la valeur de ces valeurs ; d’autre part, la répugnance à examiner ces valeurs, à admettre qu’elles sont conditionnées. Sous la domin