Page:Nietzsche - La Volonté de puissance, t. 2.djvu/119

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de la crainte, de l'insuccès: abstraction faite des cas où le criminel cède à un instinct mal compris, ce qui serait psychologiquement démontrable, et où il prête à son acte, par une action accessoire, un motif qu'il n'a pas (par exemple par un vol, alors que c'est le sang qui lui importait..).

Il faut se garder de juger la valeur d'un homme d'après un acte particulier. Napoléon a voulu mettre en garde contre cette erreur. Les actes qui se montrent en haut relief sont particulièrement insignifiants. Si quelqu'un d'entre nous n'a pas de crime sur la conscience - par exemple, pas d'assassinat - à quoi cela tient-il ? A ceci que nous avons manqué de quelques circonstances favorables. Et si nous en commettions un, quelles idées pourrait-on en tirer sur notre valeur personnelle ? D'une façon générale, on aurait quelque mépris pour nous, si l'on ne nous croyait pas capables de tuer un homme lorsque les circonstances l'exigent. Dans presque tous les crimes, s'expriment en même temps des qualités, qui ne sauraient manquer chez un homme véritable. Ce n'est pas à tort que Dostoïevski a prétendu que les détenus des bagnes sibériens forment l'élément le plus vigoureux et le plus précieux du peuple russe. Si, chez nous, le criminel est une plante mal nourrie et qui s'étiole, c'est tout au déshonneur de nos conditions sociales; du temps de la Renaissance, le criminel prospérait et s'acquérait sa propre façon de vertu, - de vertu dans