Page:Nietzsche - La Volonté de puissance, t. 2.djvu/235

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pas précisément, mais qui, au contraire, s'amusent de mille choses dont on souffrait autrefois (on était révolté ou saisi, on regardait avec hostilité et froideur). - La souffrance, dans toutes ses nuances, est maintenant intéressante pour nous: mais cela ne nous rend pas plus compatissants, serions-nous même profondément ébranlés par l'aspect de la souffrance, ébranlés jusqu'à verser des larmes: - nous n'en aurions pas pour cela des sentiments plus secourables.

Par cette contemplation volontaire de toute espèce de misère et de faute, nous sommes devenus plus vaillants et plus forts que le XVIIIe siècle; c'est une preuve que notre force s'est accrue (nous nous sommes rapprochés des XVIIe et XVIe siècles). Mais c'est une profonde méprise de considérer notre " romantisme " comme la preuve que notre âme s'est " embellie ". Nous voulons des sensations fortes, comme toutes les époques et toutes les couches populaires plus grossières. (Il faut bien séparer cela des besoins manifestés par les neurasthéniques et les décadents: chez ceux-là on trouve le besoin de poivre et même de cruauté.)

Nous tous, nous cherchons des conditions où la morale bourgeoise n'a plus son mot à dire, et encore moins la morale ecclésiastique - (dans chaque livre où il reste quelque chose de l'atmosphère du pasteur et du théologien nous avons l'impression d'une pitoyable niaiserie et d'une grande pauvreté).