Page:Nietzsche - Le Cas Wagner (trad. Halévy et Dreyfus).djvu/84

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par hasard je m’aperçus qu’il agissait sur une certaine espèce d’hommes. Il a la mélancolie de l’impuissance ; il ne crée pas d’abondance, il a soif d’abondance. Que l’on déduise ses imitations, les formes de style qu’il emprunte aux vieux maîtres ou à l’exotisme moderne (— il est passé maître en copie —) il reste à son actif l'aspiration[1]… C’est ce que devinent les hommes pleins d’aspirations, les désappointés de toute espèce. Il est trop peu personnel, trop peu concentré… C’est ce que comprennent les «impersonnels», les Périphériques, — ils l’aiment ainsi. En particulier il est le musicien d’un groupe de femmes insatisfaites. Cinquante pas plus loin, et l’on a les wagnériennes (— de même qu’à cinquante pas au delà de Brahms on trouve Wagner —), les wagnériennes, type plus caractérisé, plus intéressant, surtout plus gracieux. Brahms est émouvant tant qu’il rêve mystérieusement ou qu’il gémit sur lui-même — c’est ce qui le rend «moderne» — ; il devient froid, il cesse d’avoir prise sur nous, aussitôt qu’il recueille l’héritage des classiques… On nomme volonǀtiers-

  1. Die Sehnsucht.