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LE CRÉPUSCULE DES IDOLES

tion du pessimisme, par exemple, la question Wagner, presque toutes les questions psychologiques et artistiques sont examinées là-bas avec infiniment plus de finesse et de profondeur qu’en Allemagne, — les Allemands sont même incapables de cette espèce de sérieux. — Dans l’histoire de la culture européenne, la montée de l’« Empire » signifie avant tout une chose : un déplacement du centre de gravité. On s’en rend déjà compte partout : dans la chose principale, — et c’est là toujours la culture — les Allemands ne sont plus pris en considération. On demande : Pouvez-vous présenter, ne fût-ce qu’un seul esprit qui entre en ligne de compte pour l’Europe ? Un esprit tel que votre Goethe, votre Hegel, votre Henri Heine, votre Schopenhauer, qui entre en ligne de compte comme eux ? — Qu’il n’y ait plus un seul philosophe allemand, de cela l’étonnement n’a point de limite. —

5.

Ce qu’il y a d’essentiel dans l’enseignement supérieur en Allemagne s’est perdu : le but tout aussi bien que le moyen qui mène au but. Que l’éducation, la culture même soient le but — et non « l’Empire », — que pour ce but il faille des éducateurs — et non des professeurs de lycée et des savants d’université — c’est cela qu’on a oublié… Il faudrait des éducateurs, éduqués eux-mêmes, des esprits supérieurs et nobles qui s’affirment à chaque moment, par la parole et par le silence, des êtres d’une culture mûre et savoureuse, — et non des butors savants que le lycée