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L’ANTÉCHRIST


elle-même doit rendre témoignage pour nous… » Qu’on lise les Évangiles comme des livres de séduction par la morale : la morale est accaparée par ces petites gens, ils savent ce qu’il en est de la morale ! L’humanité se laisse le mieux mener par le bout du nez au moyen de la morale ! — En réalité, la fatuité consciente de se sentir choisi, joue à la modestie : on s’est placé, soi, la « communauté », les « bons et les justes », une fois pour toutes, d’un côté, de celui de la « vérité » — et le reste, « le monde », de l’autre côté… C’était la plus dangereuse folie des grandeurs qu’il y ait jamais eue sur la terre : de petits avortons de cagots et de menteurs ont accaparé peu à peu les idées de « Dieu », de « vérité », de « lumière », d’« esprit », d’« amour », de « sagesse », de « vie », comme si ces idées étaient en quelque sorte les synonymes de leur propre être, pour en marquer la séparation entre eux et le « monde » ; de vrais petits juifs, mûrs pour toute sorte de petites maisons, retournèrent les valeurs d’après eux-mêmes, comme si le chrétien était le sens, le sel, la mesure et le dernier jugement de tout le reste… C’est ainsi que devint possible l’existence fatale d’une sorte de folie des grandeurs voisine, de même race, que la folie juive : dès que s’ouvrit l’abîme entre juifs et chrétiens circoncis, il ne resta plus de choix pour ces derniers, il leur fallut employer, contre les juifs eux-mêmes, les mêmes procédés de conservation de soi que l’instinct juif leur conseillait, tandis que les juifs ne les avaient employés jusque-là que contre les gentils. Le chrétien n’est qu’un juif de « confession plus libre. » —