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LE CRÉPUSCULE DES IDOLES

d’hui de quel sérieux un philosophe se repose ici ! La sérénité, c’est ce qu’il y a de plus incompréhensible en nous…

4.

Voyons la question par son autre face : il n’est pas seulement évident que la culture allemande est en décadence, mais encore les raisons suffisantes pour qu’il en soit ainsi ne manquent pas. En fin de compte personne ne peut dépenser plus qu’il n’a : — il en est ainsi pour les individus comme pour les peuples. Si l’on se dépense pour la puissance, la grande politique, l’économie, le commerce international, le parlementarisme, les intérêts militaires, — si l’on dissipe de ce côté la dose de raison, de sérieux, de volonté, de domination de soi que l’on possède, l’autre côté s’en ressentira. La Culture et l’État — qu’on ne s’y trompe pas — sont antagonistes : « État civilisé », ce n’est là qu’une idée moderne. L’un vit de l’autre, l’un prospère au détriment de l’autre. Toutes les grandes époques de culture sont des époques de décadence politique : ce qui a été grand au sens de la culture a été non-politique, et même anti-politique… Le cœur de Goethe s’est ouvert devant le phénomène Napoléon, — il s’est refermé devant les « guerres d’indépendance »… Au moment où l’Allemagne s’élève comme grande puissance, la France gagne une importance nouvelle comme puissance de culture. Aujourd’hui déjà, beaucoup de sérieux nouveau, beaucoup de nouvelle passion de l’esprit a émigré à Paris ; la ques-