dénaturation. Primitivement, surtout du temps des
rois, Israël se trouvait, à l’égard de toutes choses,
dans un rapport juste, c’est-à-dire naturel. Son Javeh
était l’expression du sentiment de puissance, de la
joie en soi, de l’espoir en soi : c’est en lui que l’on
espérait la victoire et le salut, avec lui que l’on
attendait avec confiance que la nature donne ce que
le peuple désire, avant tout de la pluie. Javeh est le
Dieu d’Israël, donc le Dieu de la justice. Il est la
logique de tout peuple qui possède le pouvoir et qui
en a la conscience tranquille. Dans le culte solennel
s’expriment ces deux côtés de l’affirmation d’un
peuple : il est reconnaissant pour les grandes
destinées qui l’élevèrent à la domination, il est
reconnaissant pour la régularité dans la succession des saisons
et pour tout le bonheur dans l’élevage et l’agriculture.
— Cet état de choses demeura longtemps encore sous
forme d’idéal, même lorsqu’il prit fin d’une triste
manière : l’anarchie à l’intérieur, l’Assyrien à
l’extérieur. Mais le peuple garda, comme sa plus haute
aspiration, cette vision d’un roi qui est un bon soldat et un
juge sévère : vision propagée avant tout par ce
prophète-type (critique et satiriste du moment) Ésaïe. —
Cependant tous les espoirs restèrent inaccomplis. Le
Dieu ancien ne pouvait plus rien de ce qu’il avait pu
jadis. On aurait dû l’abandonner. Qu’arriva-t-il ? On
transforma, on dénatura la notion de Dieu : c’est à ce
prix-là que l’on put le garder. Javeh, le Dieu de la
« justice », n’est plus un avec Israël, l’expression du
sentiment de la dignité nationale : ce n’est plus qu’un
Dieu, conditionnel… Sa notion devient un instrument
dans les mains d’agitateurs sacerdotaux, qui mainte-
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L’ANTÉCHRIST