Page:Nietzsche - Le Gai Savoir, 1901.djvu/110

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d’égalité d’humeur et de temps invariable. N’aurait-elle pas mieux fait de simuler son ancien caractère ? de simuler l’indifférence ? Ne serait-ce pas l’amour même qui lui conseillerait d’agir ainsi ? Vivat comœdia !

68.

Volonté et soumission. — On amena un jeune homme chez un homme sage à qui l’on dit : « Regarde, voici quelqu’un qui est en train de se corrompre par les femmes ! » L’homme sage secoua la tête et se mit à sourire ! « Ce sont les hommes, s’écria-t-il, qui corrompent les femmes : et tout ce qui manque aux femmes doit être payé par les hommes et corrigé sur eux, — car c’est l’homme qui se crée l’image de la femme, et la femme qui se forme d’après cette image. » — « Tu marques trop de bienveillance envers les femmes, dit un de ceux qui se trouvaient là, tu ne les connais pas ! » Le sage répondit : « Le caractère de l’homme, c’est la volonté, celui de la femme la soumission, — ceci est la loi des sexes, en vérité ! une dure loi pour la femme. Tous les êtres humains sont innocents de leur existence, mais la femme est innocente au second degré : qui donc saurait avoir pour elle assez d’huile et de douceur ? » — « Qu’importe l’huile ! Qu’importe la douceur ! répondit quelqu’un dans la foule : il faut mieux éduquer les femmes ! » — « Il faut mieux éduquer les hommes », fut la réponse de l’homme sage, et il fit signe au jeune