Page:Nietzsche - Le Gai Savoir, 1901.djvu/169

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sur ceux qui voyaient les « fluctuations » de toute chose. En soi tout degré supérieur de circonspection dans les conclusions, tout penchant sceptique est déjà un grand danger pour la vie. Aucun être vivant ne serait conservé si le penchant contraire d’affirmer plutôt que de suspendre son jugement, de se tromper et de broder plutôt que d’attendre, d’approuver plutôt que de nier, de juger plutôt que d’être juste, n’avait été développé d’une façon extrêmement intense. — La suite des pensées et des déductions logiques, dans notre cerveau actuel, correspond à un processus, à une lutte d’instincts, en soit fort illogiques et injustes ; nous ne percevons généralement que le résultat de la lutte : tant cet antique mécanisme fonctionne maintenant en nous rapide et caché.

112.

Cause et effet. — Nous appelons « explication » ce qui nous distingue des degrés de connaissance et de science plus anciens, mais ceci n’est que « description ». Nous décrivons mieux, — nous expliquons tout aussi peu que tous nos prédécesseurs. Nous avons découvert de multiples successions, là où l’homme naïf et le savant de cultures plus anciennes ne voyaient que deux choses : ainsi que l’on dit généralement, la « cause » et l’ « effet » ; nous avons perfectionné l’image du devenir, mais nous n’avons pas dépassé l’image au-delà de l’image. La suite des « causes » se présente en tous les cas plus complète devant nous ; nous déduisons : il faut que