Page:Nietzsche - Le Gai Savoir, 1901.djvu/171

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113.

Pour la science des poisons. — Il faut réunir tant de choses pour qu’il se forme une intelligence philosophique : et toutes les forces qui y sont nécessaires ont dû être inventées, exercées et entretenues séparément ! Mais dans leur isolement elles ont souvent produit un effet tout différent de celui qu’elles produisent maintenant, où elles se restreignent dans les limites de la pensée philosophique et se disciplinent réciproquement : — elles ont agi comme des poisons. Voyez par exemple l’instinct du doute, l’instinct de négation, l’instinct temporisateur, l’instinct collectionneur, l’instinct dissolvant. Il y a bien des hécatombes d’hommes qui ont été sacrifiées avant que ces instincts aient appris à comprendre leur juxtaposition et à se sentir réunis, en tant que fonctions d’une seule force organique, dans un seul homme ! Et combien nous sommes encore éloignés de voir se joindre, à la pensée scientifique, les facultés artistiques et la sagesse pratique de la vie, de voir se former un système organique supérieur par rapport auquel le savant, le médecin, l’artiste et le législateur, tels que nous les connaissons maintenant, apparaîtraient comme d’insuffisantes antiquités !

114.

Limites du domaine moral. — Nous construisons immédiatement une nouvelle image que nous voyons à l’aide de vieilles expériences que nous avons