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Page:Nietzsche - Le Gai Savoir, 1901.djvu/199

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151.

De l’origine des religions. — Le besoin métaphysique n’est pas la source des religions, comme le prétend Schopenhauer, il n’en est que le rejet. Sous l’empire des idées religieuses on s’est habitué à la représentation d’un « autre monde » (d’un « arrière-monde », d’un « sur-monde » ou d’un « sous-monde ») et la destruction des illusions religieuses vous laisse l’impression d’un vide inquiétant et d’une privation. — Alors renaît, de ce sentiment, un « autre monde », mais loin d’être un monde religieux, ce n’est plus qu’un monde métaphysique. Ce qui dans les temps primitifs a conduit à admettre un « autre monde » ne fut cependant pas un instinct et un besoin, mais une erreur d’interprétation de certains phénomènes de la nature, un embarras de l’intelligence.

152.

Le plus grand changement. — La lumière et les couleurs de toutes choses se sont transformées. Nous ne comprenons plus tout à fait comment les hommes anciens avaient la sensation du plus prochain et du plus fréquent, — par exemple du jour et des veilles : puisque les anciens croyaient aux rêves, la vie à l’état de veille s’éclairait d’autres lumières. Et de même toute la vie, avec le rejaillissement de la mort et de la signification de la mort : notre « mort » est une toute autre mort. Tous les événements brillaient d’une autre couleur, car un