Page:Nietzsche - Le Gai Savoir, 1901.djvu/268

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la cruauté ; et de plus, mon orgueil ne serait point satisfait si je voulais faire de moi un sublime bourreau.

314.

Nouveaux animaux domestiques. — Je veux avoir mon lion et mon aigle autour de moi pour reconnaître toujours, par des indices et des symptômes, la grandeur et la petitesse de ma force. Faut-il qu’aujourd’hui j’abaisse mon regard vers eux pour les craindre ? Et l’heure viendra-t-elle où ils élèveront vers moi leur regard, avec crainte ? —

315.

De la dernière heure. — Les tempêtes sont un danger pour moi : aurai-je ma tempête qui me fera périr, comme Olivier Cromwell qui périt de sa tempête ? Ou bien m’éteindrai-je comme un flambeau qui n’attend pas d’être soufflé par la tempête, mais qui est fatigué et rassasié de lui-même, — un flambeau consumé ? Ou bien enfin : m’éteindrai-je pour ne pas me consumer ? —

316.

Hommes prophétiques. — Vous ne voulez pas comprendre que les hommes prophétiques sont des hommes qui souffrent beaucoup : vous pensez seulement qu’un beau « don » leur a été accordé, et vous voudriez bien l’avoir vous-mêmes, — mais je