Page:Nietzsche - Le Gai Savoir, 1901.djvu/281

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entre deux bruits, et à faire le sourd jusqu’à ce qu’il le devienne. Tant qu’il n’aura pas appris cela, il restera certes en danger de périr d’impatience et de maux de tête.

332.

La mauvaise heure. — Il doit y avoir eu pour chaque philosophe une mauvaise heure où il pensait : qu’importe de moi, si l’on ne croit pas à tous mes arguments, même aux plus mauvais ! — Et alors quelque oiseau moqueur, passant à côté de lui, se mettait à gazouiller : « Qu’im­porte de toi ? Qu’importe de toi ? »

333.

Qu’est-ce que c’est que connaître ?Non ridere, non lugere, neque detestari, sed intelligere ![1] dit Spinoza, avec cette simplicité et cette élévation qui lui sont propres. Cet intelligere qu’est-il en dernière instance, en tant que forme par quoi les trois autres choses nous deviennent sensibles d’un seul coup ? Le résultat de différents instincts qui se contredisent, du désir de se moquer, de se plaindre ou de maudire ? Avant que la connaissance soit possible, il fallut que chacun de ces instincts avançât son avis incomplet sur l’objet ou l’événement ; alors commençait la lutte de ces jugements incomplets et le résultat était parfois un moyen terme, une pacification, une approbation des trois côtés, une espèce de justice et de contrat : car

  1. Note wikisource : « Ne pas rire, ni pleurer, ni détester, mais comprendre. » Spinoza, Éthique, IIIe partie, préface.