Page:Nietzsche - Le Gai Savoir, 1901.djvu/312

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de métaphysique ; mais cet impétueux désir de certitude qui se décharge, aujourd’hui encore, dans les masses compactes, avec des allures scientifiques et positivistes, ce désir d’avoir à tout prix quelque chose de solide (tandis que la chaleur de ce désir empêche d’accorder de l’importance aux arguments en faveur de la certitude), est, lui aussi, le désir d’un appui, d’un soutien, bref, cet instinct de faiblesse qui, s’il ne crée pas les religions, les métaphysiques et les principes de toute espèce, les conserve du moins. C’est un fait qu’autour de tous ces systèmes positifs s’élève la fumée d’un certain assombrissement pessimiste, quelque chose comme la fatigue, le fatalisme, la déception ou la crainte d’une déception nouvelle — ou bien encore l’étalage du ressentiment, la mauvaise humeur, l’anarchisme exaspéré, ou quels que soient les symptômes ou les mascarades résultant du sentiment de faiblesse. La violence même que mettent certains de nos contemporains, les plus avisés, à se perdre dans de pitoyables réduits, dans de malheureuses impasses, par exemple dans le genre patriotard (c’est ainsi que j’appelle ce que l’on nomme en France chauvinisme, en Allemagne « allemand »), ou bien dans une étroite profession de foi esthétique à la façon du naturalisme (ce naturalisme qui n’emprunte à la nature et qui n’y découvre que la partie qui éveille en même temps le dégoût et l’étonnement — on aime à appeler cette partie aujourd’hui la vérité vraie —), ou bien encore dans le nihilisme selon le modèle de Pétersbourg (c’est-à-dire dans la croyance en l’incrédulité jusqu’au martyre), cette