Page:Nietzsche - Le Gai Savoir, 1901.djvu/316

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tre son gré. Car il n’y a rien de plus démocratique que la logique : elle ne connaît pas d’égards aux personnes et même les nez crochus lui paraissent droits. (L’Europe, soit dit en passant, doit avoir de la reconnaissance à l’égard des juifs, pour ce qui en est de la logique et des habitudes de propreté intellectuelle ; avant tout les Allemands, une race fâcheusement déraisonnable, à qui, aujourd’hui encore il faut toujours commencer par « laver la tête ». Partout où les juifs ont eu de l’influence, ils ont enseigné à distinguer avec plus de sensibilité, à conclure avec plus de sagacité, à écrire avec plus de clarté et de netteté : cela a toujours été leur tâche de mettre un peuple « à la raison[1] »).

349.

Encore l’origine des savants. — Vouloir se conserver soi-même, c’est l’expression d’un état de détresse, une restriction du véritable instinct fondamental de la vie qui tend à l’élargissement de la puissance et qui, fort de cette volonté, met souvent en question et sacrifie la conservation de soi. Il faut voir un symptôme dans le fait que certains philosophes, comme par exemple Spinoza, le poitrinaire, ont dû justement considérer ce que l’on appelle l’instinct de conservation comme cause déterminante : — c’est qu’ils étaient des hommes en plein état de détresse. Si nos sciences naturelles modernes se sont à un tel point engagées dans le dogme spinozien (en dernier lieu et de façon la plus grossière avec le darwinisme et sa doctrine incompréhensiblement

  1. Raison : en français dans le texte. (N. d. T.)