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L’origine de notre notion de la « connaissance ». — Je ramasse cette explication dans la rue ; j’ai entendu quelqu’un parmi le peuple dire : « Il m’a reconnu » — : et je me demande ce que le peuple entend au fond par connaître ? que veut-il lorsqu’il veut la « connaissance » ? Rien que cela : quelque chose d’étranger doit être ramené à quelque chose de connu. Et nous autres philosophes — par « connaissance » voudrions-nous peut-être entendre davantage ? Ce qui est connu, c’est-à-dire : ce à quoi nous sommes habitués, en sorte que nous ne nous en étonnons plus, notre besogne quotidienne, une règle quelconque qui nous tient, toute chose que nous savons nous être familière : — comment ? notre besoin de connaissance n’est-il pas précisément notre besoin de quelque chose de connu ? le désir de découvrir, parmi toutes les choses étrangères, inaccoutumées, incertaines, quelque chose qui ne nous inquiétât plus ? Ne serait-ce pas l’instinct de crainte qui nous pousse à connaître ? La jubilation du connaisseur ne serait-elle pas la jubilation de la sûreté reconquise ?… Tel philosophe considéra le monde comme « connu » lorsqu’il l’eut ramené à l’« idée ». Hélas ! n’en était-il pas ainsi parce que l’« idée » était pour lui chose connue, habituelle ? parce qu’il avait beaucoup moins peur de l’« idée » ? — Honte à cette modération de ceux qui cherchent la connaissance ! Examinez donc à ce point de vue leurs principes