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Page:Nietzsche - Le Gai Savoir, 1901.djvu/384

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jourd’hui en fâcheuse posture vis-à-vis du savoir humain : la science grandit, et les plus savants d’entre nous sont prêts à s’apercevoir qu’ils connaissent trop peu de choses. Il est vrai que ce serait bien pis encore s’il en était autrement, — s’ils savaient trop de choses. Notre devoir est avant tout de ne pas faire de confusion avec nous-mêmes. Nous sommes autre chose que des savants : bien qu’il soit inévitable que, entre autres, nous fussions aussi savants. Nous avons d’autres besoins, une autre croissance, une autre digestion : il nous faut davantage, il nous faut aussi moins. Il n’y a pas de formule pour définir la quantité de nourriture qu’il faut à un esprit ; si pourtant son goût est prédisposé à l’indépendance, à une brusque venue, à un départ rapide, aux voyages, peut-être aux aventures qui seules sont de la force des plus rapides, il préférera vivre libre avec une nourriture frugale que gavé et dans la contrainte. Ce n’est pas la graisse, mais une plus grande souplesse et une plus grande vigueur que le bon danseur demande à sa nourriture, — et je ne saurais pas ce que l’esprit d’un philosophe pourrait désirer de meilleur que d’être un bon danseur. Car la danse est son idéal, son art particulier, et finalement aussi sa seule piété, son « culte »…

382.

La grande santé. — Nous autres hommes nouveaux, innommés, difficiles à comprendre, précurseurs d’un avenir encore non démontré — nous