Page:Nietzsche - Le Gai Savoir, 1901.djvu/386

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posséder sont sorties de leurs gonds, — hélas ! que maintenant rien n’arrive plus à nous rassasier ! Comment pourrions-nous, après de pareils aperçus et avec une telle faim dans la conscience, une telle avidité de science, nous satisfaire encore des hommes actuels ? C’est assez grave, mais c’est inévitable, nous ne regardons plus leurs buts et leurs espoirs les plus dignes qu’avec un sérieux mal tenu, et peut-être ne les regardons-nous même plus. Un autre idéal court devant nous, un idéal singulier, tentateur, plein de dangers, un idéal que nous ne voudrions recommander à personne, parce qu’à personne nous ne reconnaissons facilement le droit à cet idéal : c’est l’idéal d’un esprit qui se joue naïvement, c’est-à-dire sans intention, et parce que sa plénitude et sa puissance débordent, de tout ce qui jusqu’à présent s’est appelé sacré, bon, intangible, divin ; pour qui les choses les plus hautes qui servent, avec raison, de mesure au peuple, signifieraient déjà quelque chose qui ressemble au danger, à la décomposition, à l’abaissement ou bien du moins à la convalescence, à l’aveuglement, à l’oubli momentané de soi ; c’est l’idéal d’un bien-être et d’une bienveillance humains-surhumains, un idéal qui apparaîtra souvent inhumain, par exemple lorsqu’il se place à côté de tout ce qui jusqu’à présent a été sérieux, terrestre, à côté de toute espèce de solennité dans l’attitude, la parole, l’intonation, le regard, la morale et la tâche, comme leur vivante parodie involontaire — et avec lequel, malgré tout cela, le grand sérieux commence peut-être seulement, le véritable problème est peut-être seu-