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Page:Nietzsche - Le Gai Savoir, 1901.djvu/50

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LE GAI SAVOIR

9.

Nos éruptions. — Il y a une infinité de choses que l’humanité s’est appropriées pendant des stades antérieurs, mais d’une façon si faible et si embryonnaire que personne n’a pu en percevoir l’appropriation, des choses qui, beaucoup plus tard, peut-être après des siècles, jaillissent soudain à la lumière : elles sont devenues fortes et mûres dans l’intervalle. À certaines époques tel ou tel talent, telle ou telle vertu semblent faire complètement défaut, de même à certains hommes : mais on n’a qu’à attendre jusqu’aux enfants et petits-enfants, si l’on en a le temps, — ceux-ci apportent à la lumière l’âme de leurs grands-parents, cette âme dont les grands-parents eux-mêmes ne savaient rien encore. Souvent le fils déjà devient le révélateur de son père : celui-ci se comprend mieux lui-même depuis qu’il a un fils. Nous avons tous en nous des plantations et des jardins inconnus ; et, pour me servir d’une autre image, nous sommes tous des volcans en travail qui auront leur heure d’éruption : il est vrai que personne ne sait si ce moment est proche ou loin, Dieu lui-même l’ignore.

10.

Une espèce d’atavisme. — J’interprète le plus volontiers les hommes exceptionnels d’une époque comme les pousses tardives, soudainement émergées, de cultures passées et des forces de ces cultures : en quelque sorte comme l’atavisme d’un peuple et