Le sentiment moral est maintenant, en Europe, aussi subtil, aussi tardif, aussi multiple, aussi raffiné et délicat que la « science de la morale » qui s’y rattache est jeune, novice, lourde et grossière. Contraste attrayant qui parfois prend corps et devient visible dans la personne même du moraliste. Le terme « science de la morale », par rapport à ce qu’il exprime, est déjà trop prétentieux et trop contraire au bon goût, lequel est généralement un avant-goût de paroles plus modestes. On devrait rigoureusement s’avouer ce qui, pour longtemps encore, est nécessaire ici, ce qui, provisoirement, a seul droit de cité, à savoir : la réunion des matériaux, la reconnaissance et l’aménagement d’un domaine énorme de délicats sentiments de valeurs et de différenciations de valeurs qui vivent, croissent, engendrent et périssent, et peut-être aussi les tentatives pour rendre intelligibles les phases fréquentes et le retour périodique de cette vivante cristallisation — tout cela comme préparation à une doctrine des types de la morale. Sans doute, jusqu’à présent on a été moins modeste. Les philosophes, tant qu’ils sont, avec un sérieux et une raideur qui prêtaient