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Page:Nietzsche - Par delà le bien et le mal.djvu/146

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PAR DELÀ LE BIEN ET LE MAL

proposition est fausse, insipide et sentimentale, dans un univers dont l’essence même est la volonté de puissance, devra se souvenir que Schopenhauer, bien qu’il fût pessimiste, s’est amusé à jouer de la flûte… tous les jours, après le repas : qu’on lise là-dessus son biographe. Et je me demande, en passant, si un pessimiste, un négateur de Dieu et de l’univers qui s’arrête devant la morale, — qui affirme la morale et joue de la flûte pour accompagner cette morale du neminem læde, a le droit de se dire véritablement pessimiste ?

187.

Abstraction faite de la valeur des affirmations telles que : « il y a en nous un impératif catégorique », on a toujours le droit de demander : Que nous révèle une pareille affirmation au sujet de celui qui l’affirme ? Il y a des morales qui doivent justifier leur promoteur aux yeux de leur prochain. Il y a d’autres morales qui doivent le tranquilliser et le mettre en paix avec lui-même. D’autres le poussent à se crucifier et à s’humilier, avec d’autres encore il veut exercer une vengeance, ou peut-être se cacher, se transfigurer dans l’au-delà et le lointain. Telle morale aide son auteur à oublier, telle autre à se faire oublier lui-même ou quelque chose qui le concerne. Certain moraliste aimerait exercer sur l’humanité sa puissance et sa fantaisie créatrices, cet autre, et ce serait peut-être justement