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NOS VERTUS

à nous autres esprits libres, très libres — et ce sera peut-être vraiment notre… gloire posthume. En attendant — car jusqu’à cette époque nous avons du temps devant nous — nous ne devrions guère être tentés de nous parer nous-mêmes de ce clinquant d’expressions morales. Toute notre activité passée nous interdit précisément cette tendance et sa joyeuse volupté. Ce sont de beaux mots solennels, étincelants, cliquetants : probité, amour de la vérité, amour de la sagesse, sacrifice à la connaissance, héroïsme de la véracité, — il y a là quelque chose qui fait battre le cœur d’orgueil. Mais nous autres ermites et marmottes, nous nous sommes depuis longtemps persuadés, dans le secret de notre conscience d’ermite, que cette digne parade de grands mots fait partie des vieux ornements, de la vieille poussière, des antiquailles du mensonge et de l’inconsciente vanité humaine et que, sous ces couleurs flatteuses et cette retouche trompeuse, il faut encore reconnaître le terrible texte original homo natura. Retransporter l’homme dans la nature ; se rendre maître des nombreuses interprétations vaines et trompeuses dont le texte original homo natura a été recouvert et maquillé ; faire que désormais l’homme paraisse devant l’homme, comme aujourd’hui déjà, endurci par la discipline de la science, il paraît devant l’autre nature, avec les yeux intrépides d’un Œdipe et les oreilles bouchées d’un Ulysse, sourd aux appeaux des oiseleurs métaphy-