se faisait la lecture à lui-même, à voix haute ; on s’étonnait de voir quelqu’un lire à voix basse et l’on s’en demandait à part soi les raisons. À voix haute : cela veut dire avec tous les gonflements, toutes les inflexions de voix et tous les changements de ton et les modifications d’allure qui faisaient la joie de l’antique vie publique. Alors, les lois du style écrit étaient les mêmes que celles du style verbal, lois qui dépendaient, d’une part, du développement extraordinaire, des besoins raffinés de l’oreille et du larynx, d’autre part, de la force, de la durée et de la puissance du poumon antique. Une période au sens des antiques est avant tout un ensemble physiologique, en tant qu’elle se résume en un seul souffle. Une période, telle que celles de Démosthène et de Cicéron, ascendante et descendante par deux fois, et tout d’un seul souffle : voilà une jouissance pour les hommes antiques, qui savaient en goûter les qualités, eux à qui leur éducation permettait d’apprécier ce qu’il y avait là de rare et de difficile. — Nous, nous n’avons en somme aucun droit à la grande période, nous autres hommes modernes à la respiration courte sous tous les rapports. Tous ces anciens étaient eux-mêmes des dilettantes du discours, c’est-à-dire des connaisseurs et des critiques ; — c’est avec cela qu’ils poussaient leurs orateurs à bout, de même qu’au siècle dernier où presque tous les Italiens, hommes et femmes, savaient chanter, la virtuosité du chant
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PEUPLES ET PATRIES