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Page:Nietzsche - Par delà le bien et le mal.djvu/283

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PEUPLES ET PATRIES

de la France.) — Reste enfin une troisième supériorité. Il y a, au fond de l’âme française, une synthèse presque achevée du Nord et du Midi : les Français doivent à ce trait de leur nature de comprendre bien des choses et d’en faire bien d’autres auxquelles l’Anglais n’entendra jamais rien. Leur tempérament, qu’à des périodes régulières le Midi attire ou bien repousse, leur tempérament que de temps à autre inonde le sang provençal et ligure, les met en garde contre l’horrible « gris sur gris » du Nord, contre les idées-fantômes sans soleil et contre l’anémie. Ils ignorent notre maladie du goût, à nous autres Allemands, qu’en ce moment même on traite résolument en nous ordonnant force fer et force sang, je veux dire « de la grande politique » ; traitement dangereux, dont j’attends encore, dont j’attends toujours les effets, mais toujours sans espoir. À présent encore, on sait en France pressentir et deviner la venue de ces hommes rares et difficiles à qui il ne suffit pas d’être d’une patrie et qui savent aimer le Midi dans le Nord, le Nord dans le Midi, et l’on sait aller au devant de ces méditerranéens-nés, de ces « bons Européens ». C’est pour eux que Bizet a écrit de la musique, Bizet, le dernier génie qui ait vu une nouvelle beauté et une nouvelle séduction, Bizet, qui a découvert une terre nouvelle : le midi de la musique.