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SUR LES HAUTES MONTAGNES


Vous tournez les talons ? — Ô cœur, c’en est assez,
          Ton espoir demeure fort :
Pour des amis nouveaux garde ouverte tes portes !
Et laisse les anciens ! Laisse les souvenirs !
Si tu fus jeune, te voilà — jeune bien mieux !


Ce qui jamais nous unit, le lien d’un seul espoir, —
          Qui lit les signes
Pâlis que jadis l’amour y inscrivit ?
C’est comme le parchemin que la main
Craint de prendre, — bruni, brûlé comme lui.


Ce ne sont plus des amis, ce sont — que dis-je ? —
          Des fantômes d’amis !
Quelquefois dans la nuit ils heurtent à mon cœur.
Ils me regardent et disent : « C’était pourtant nous ? » —
— Ô paroles fanées, vous aviez des odeurs de roses.


Ô langueur de jeunesse qui ne s’est point comprise !
          Ceux que je cherchais,
Ceux que je croyais parents à moi et transformés,
Ils vieillissaient pourtant, c’est ce qui les bannit :
Celui qui se transforme seul me reste parent.


Ô midi de la vie, ô deuxième jeunesse
          Ô jardin d’été !
Bonheur inquiet, debout et aux écoutes !
J’attends les amis, prêt nuit et jour,
Les amis nouveaux ! Venez, car il est temps !