La causa sui est la meilleure contradiction qui ait été imaginée jusqu’ici, une espèce de viol et de monstruosité logiques. Mais l’orgueil démesuré de l’homme l’a amené à s’embarrasser de cette absurdité, profondément et de la plus horrible façon. Le souci du « libre arbitre », dans ce sens métaphysique excessif, qui domine malheureusement encore les cerveaux des êtres instruits à demi, ce souci de supporter soi-même l’entière et ultime responsabilité de ses actes, et d’en décharger Dieu, l’univers, les ancêtres, le hasard, la société, ce souci, dis-je, n’est point autre chose que le désir d’être précisément cette causa sui, de se tirer soi-même par les cheveux avec une témérité qui dépasse celle du baron de Crac, pour sortir du marais du néant et entrer dans l’existence. À supposer que quelqu’un s’avisât de la naïveté grossière de ce fameux concept « libre arbitre » et qu’il retranchât ce concept de son cerveau, je le prierai de faire faire encore un pas de plus à sa clairvoyance et de retrancher également de son cerveau le contraire de ce concept monstrueux « libre arbitre » : je veux parler du « déterminisme » qui aboutit à l’abus de l’idée de cause et d’effet. Il ne faut pas réduire faussement « cause » et « effet » à des substances, comme font les naturalistes (et quiconque, pareil à eux, fait aujourd’hui du naturalisme dans les