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PAR DELÀ LE BIEN ET LE MAL

guent pas tant parce que l’Exotérique, placé à l’extérieur, voit les choses du dehors, sans les voir, les apprécier, les mesurer et les juger du dedans, mais par le fait qu’il les voit de bas en haut, — tandis que l’Ésotérique les voit de haut en bas. Il y a des hauteurs de l’âme d’où la tragédie même cesse de paraître tragique ; et, toute la misère du monde ramenée à une sorte d’unité, qui donc oserait décider si son aspect forcera nécessairement à la pitié et, par là, à un redoublement de la misère ?… Ce qui sert de nourriture et de réconfort à une espèce d’hommes supérieure doit faire presque l’effet d’un poison sur une espèce très différente et de valeur inférieure. Les vertus de l’homme ordinaire, chez un philosophe, indiqueraient peut-être des vices et des faiblesses. Il serait possible qu’un homme d’espèce supérieure, en admettant qu’il dégénère et aille à sa perte, ne parvînt que par là à posséder les qualités qui obligeraient, dans le monde inférieur où il est descendu, à le vénérer dès lors comme un saint. Il y a des livres qui possèdent, pour l’âme et la santé, une valeur inverse, selon que l’âme inférieure, la force vitale inférieure ou l’âme supérieure et plus puissante s’en servent. Dans le premier cas, ce sont des livres dangereux, corrupteurs, dissolvants, dans le second cas, des appels de hérauts qui invitent les plus braves à revenir à leur propre bravoure. Les livres de tout le monde sont toujours des livres mal odorants :