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L’ESPRIT LIBRE

de vue de la valeur de cet acte, mais seulement son origine. C’est, dans son ensemble, un événement considérable qui a amené un grand affinement du regard et de la mesure, effet inconscient du règne des valeurs aristocratiques et de la croyance à l’« origine », signe d’une période que l’on peut appeler, au sens plus étroit, la période morale : ainsi s’effectue la première tentative pour arriver à la connaissance de soi-même. Au lieu des conséquences, l’origine. Quel renversement de la perspective ! Certes, renversement obtenu seulement après de longues luttes et des hésitations prolongées ! Il est vrai que, par là, une nouvelle superstition néfaste, une singulière étroitesse de l’interprétation, se mirent à dominer. Car on interpréta l’origine d’un acte, dans le sens le plus précis, comme dérivant d’une intention, on s’entendit pour croire que la valeur d’un acte réside dans la valeur de l’intention. L’intention serait toute l’origine, toute l’histoire d’une action. Sous l’empire de ce préjugé, on se mit à louer et à blâmer, à juger et aussi à philosopher, au point de vue moral, jusqu’à nos jours. — Ne serions-nous pas arrivés, aujourd’hui, à la nécessité de nous éclairer encore une fois au sujet du renversement et du déplacement général des valeurs, grâce à un nouveau retour sur soi-même, à un nouvel approfondissement de l’homme ? Ne serions-nous pas au seuil d’une période qu’il faudrait, avant tout, dénommer