Aller au contenu

Page:Nietzsche - Richard Wagner à Bayreuth (trad. Baumgartner).djvu/100

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 98 —

d’être aveugle pour toute la réalité hellénique après le regard sans pareil que son œil avait jeté sur l’idéal hellénique. Nous avons besoin de l’art plutôt parce que c’est en face de la réalité que nos yeux se sont ouverts ; et nous avons justement besoin du dramatiste universel afin qu’il nous délivre, ne fût-ce que pour certaines heures, de la terrible tension qu’éprouve l’homme clairvoyant entre sa propre faiblesse et la tâche qui lui est imposée. Avec l’artiste nous gravissons les degrés les plus élevés du sentiment, et là seulement nous nous croyons ramenés au sein de la nature illimitée, dans le royaume de la liberté. De là nous nous voyons, nous et nos semblables, émergeant pour ainsi dire d’une immense fée Morgane comme quelque chose de sublime, nous voyons une signification profonde dans notre lutte, dans notre victoire et dans notre déclin ; nous faisons nos délices du rhythme de