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POÉSIES

À Paris, et tous ces messieurs, que je fuyais,
Sont arrivés chez la baronne de Maillais.
Heureuse comme tout, cette chère baronne ;
Son cœur est débordant de plaisir, car personne,
Pas même la Patti, n’a rempli ses salons
Autant que moi. Vrai, c’est un succès. Nous allons
Amener tout Paris de Trouville à Deauville.
Une procession depuis huit jours défile
Dans la Villa Marine ; on n’a jamais tant ri,
Tant soupe, tant dansé.

Pendant toute cette scène, elle s’est approchée du miroir. Très lentement elle a ôté son chapeau, ses gants, arrangé ses cheveux ; ses yeux s’arrêtent sur le bouquet. Elle dit, avec un peu d’émotion :
Tant soupe, tant dansé. Le bouquet d’Aimery !

Oh ! oui, c’est bien de lui. Doux poète, il exprime
L’amour par un bouquet comme par une rime.
Harmonieusement il sait grouper les fleurs
Comme une symphonie exquise de couleurs.
Quel frais parfum d’aurore et de sentes mouillées !
Il ne ressemble guère à ces roses payées,
Banales comme l’or, qu’on offre sans amour.
Il s’est levé pour le cueillir avant le jour.
Quand l’aube dans le ciel met des blancheurs de perles,
Écoutant les chansons des pinsons et des merles,
Il a marché longtemps dans le bois tout fleuri ;
Il a dû mal dormir cette nuit. J’ai meurtri
Sans pitié sa pauvre âme, hier ; j’étais méchante,
Et pourtant je sens bien, malgré moi, qu’il m’enchante