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POÉSIES

Des instruments faussés par des doigts imprudents ;
Rentré, je n’entendais que des cris discordants ;
Ma femme remplissait les airs de sa voix aigre,
Alors que je trimais comme un malheureux nègre,
Pour, avec quelques sous gagnés péniblement,
Rendre possible son hideux accoutrement.

Gammes
Dans la salle en désordre où l’on a fait la fête.

Ramenant les bémols enrhumés à l’honnête
Diapason normal, on me voit arriver.
Et Dieu sait ce que mon métier me fait rêver !
Ô piano, témoin des nuits emparadisées,
Je te sens imprégné des mains cent fois baisées.
Moi l’obscur opprimé, morne et déshérité,
Qui ne connus jamais luxe, amour, ni beauté !
Ô piano, confident de tant de gais mystères,
Je ne sais rien de toi, que les labeurs austères,
Des beaux soirs je ne vois que les gris lendemains !

Trouvant des morceaux de musique sur le piano
Tenez ! voici là des morceaux à quatre mains,

— À deux sexes plutôt ! — Lui, mettant les pédales
Couvre d’un trémolo ses paroles fatales,
Tandis qu’elle, sous l’œil indulgent des parents,
Perd la tête, rougit, pâlit, tremble, se pâme,
Fait les yeux doux et joue avec toute son âme,
Et de son petit pied, très amoureusement,
À son voisin témoigne un tendre égarement,