Page:Ninous - L Empoisonneuse.pdf/222

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féline qui était dans sa nature elle-même, avaient maintenant une dignité triste qui la rendait encore plus séduisante. Elle enveloppait le tuteur de sa fille de longs regards humides qui, dans leur éloquence muette, semblaient lui dire :

— Vous m’avez méconnue, mais je forcerai bien votre estime à revenir.

Le jeune homme avait trop de tact pour ne pas témoigner à Blanche le plus grand respect devant Marguerite. En présence de cette enfant, on aurait cru qu’il avait abjuré toute prévention contre la jeune femme ; et son maintien était tel, que les étrangers devaient s’y tromper.

Mais, seul avec M. de Boutin, il laissait parler son cœur.

— Où veut-elle en venir, disait-il à son ami, et à quoi bon cette comédie de poses et de regards ? Elle sait bien que, d’elle à moi, il n’y a point de tromperies possibles, elle m’exaspère, voilà tout.

M. de Boutin calmait Jacques, et observait profondément la veuve.

Marguerite était devenue une grande et pâle jeune fille, nerveuse et impressionnable à l’excès, parlant peu, et ayant l’air de bien vouloir ce qu’elle désirait.

Elle avait de grands yeux verts qui regardaient bien en face, un petit nez droit et ferme, un front très développé qui annonçait une grande intelligence et une volonté tout aussi intense. Sa première entrevue avec Jacques, après le procès, fut des plus émouvantes.

Ils étaient seuls tous deux, aussi pâles, aussi désolés, aussi ravagés par la même angoisse dont ils ne parlaient pas.

Elle le regarda longuement sans articuler une parole, gardant la main du jeune homme dans la sienne, puis enfin, se penchant vers lui :