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Page:Ninous - L Empoisonneuse.pdf/23

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À ce nom, surtout au souvenir d’amour et de paix qu’il évoquait, un sourire ineffable passa sur les lèvres du mourant.

— Marguerite !… redit-il doucement, Marguerite, oh ! il faut qu’elle soit heureuse, et pour cela elle ne se séparera pas de toi ; je te la confie. Je l’ai donnée à Jacques comme pupille ; à Jacques ton fiancé d’aujourd’hui, mais ton mari dans un mois, je le veux, entends-tu. Au milieu de votre loyauté, de votre honneur, Marguerite sera moins orpheline ; à votre contact elle deviendra une vaillante et droite créature comme vous, mes enfants bien-aimés.

À son tour, Marianne pleurait le visage caché sur le linceul de M. de Sauvetat.

Le malade étendit la main et l’appuya sur cette belle tête brune qui tressaillait de douleur à ses côtés.

— Chère Marianne, murmura-t-il d’une voix adoucie, chère fille, toi l’honneur et le dévouement incarnés, toi par qui j’aurais été consolé, si j’avais pu l’être, sois bénie !…

Il s’attendrit ; de grosses larmes coulèrent sur ses joues déjà marbrées de taches livides.

Elle s’aperçut de son émotion.

— Tu m’aimes donc ?… demanda-t-elle en entourant de ses bras la tête souffrante de M. de Sauvetat.

— Oh oui !… Marguerite et toi vous remplissez bien mon pauvre cœur blessé, et à cette heure suprême, c’est vous seules que je regrette et que je bénis !

— Eh bien, en son nom, au mien, appelle un autre médecin que le docteur Delorme, laisse-toi sauver.

— Me laisser guérir ?… sauver mon corps ?… à quoi bon, lorsque l’âme est morte ? Je n’ai plus la foi. Tout ce que j’ai adoré, il m’a fallu le briser, tout ce que j’avais mis sur un autel est descendu dans la boue.