Page:Ninous - L Empoisonneuse.pdf/264

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Sans doute, je devais être coupable, puisque les juges l’ont déclaré.

Rien de plus. Il était impossible de découvrir en elle un mouvement de révolte ou une parole d’amertume ; grave, sérieuse, elle demeurait impénétrable dans sa froide sérénité.

Elle était un problème vivant pour tous ceux qui l’approchaient ; et les autorités de la maison se demandaient avec de certaines appréhensions s’ils étaient en présence d’une de ces criminelles célèbres dont l’histoire retient le nom, ou s’ils n’avaient pas devant eux la victime d’une erreur judiciaire quelconque.

Seule, la sœur Marie-Aimée n’hésitait pas. Aux questions de la supérieure, elle souriait étrangement.

— C’est une brebis dans la tanière de nos louves, disait-elle quelquefois.

Elle avait demandé à être chargée exclusivement de la détenue, et on le lui avait accordé.

Du reste, on lui refusait peu de chose. Madame Marie-Aimée appartenait à une des familles les plus riches du pays. Elle avait été mariée à un grand personnage de vingt ans plus âgé qu’elle. On assurait qu’elle avait beaucoup et dignement souffert durant les six ou sept ans qu’avait duré cette union.

Veuve à vingt-deux ans, elle avait droit d’espérer tout bonheur, lorsque subitement, sans raison connue, elle avait tout quitté pour entrer au couvent.

— Le suicide est une lâcheté, dit-elle pour toute explication à ses amis, je ne veux plus vivre, et je ne peux pas me tuer ; mieux vaut cette mort que l’autre, elle est plus proche.

Au monastère on avait accueilli son grand nom et son immense fortune avec une indulgence des plus grandes. Elle portait l’habit religieux, mais ne subissait