Page:Ninous - L Empoisonneuse.pdf/379

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heureuse !… cela m’a suffi !… Qu’Allah et nos aïeux pardonnent à ma faiblesse paternelle !…

Elle voulut répondre, il lui fit signe de se taire.

— Les secrets du mari n’appartiennent pas à la femme, dit-il, ne parle pas. Mais il y a une chose que je confie à ton honneur ; à côté de la cassette où sont nos richesses, il y en a une seconde qui contient les papiers de l’émir, ses plans de campagne, le nom des chefs de tribu qui ont juré de l’aider dans sa tâche, plusieurs traités passés avec divers cheiks.

Il a confié autrefois ces documents d’une valeur incalculable à ma loyauté. Depuis il ne les a pas réclamés, parce qu’il les savait en sûreté.

Lorsque je n’y serai plus, défends-les jusqu’à la mort.

— Je le jure, murmura Chériffa.

Une écume noire vint franger les lèvres de Muzza.

Il rassembla ce qui lui restait de forces, et attirant le front de Miriam jusqu’à lui :

— Ma fille, dit-il d’une voix solennelle, je meurs heureux, malgré l’anéantissement de ma race et le désastre des miens, parce que je meurs pour le devoir et pour l’honneur ; ne l’oublie jamais !…

Il ferma les yeux : le dernier Muzza avait vécu !…

Mais son désir suprême a été réalisé ; l’enfant devenue femme n’a jamais oublié la dernière recommandation de l’aïeul mourant.

Que de fois, en remontant au plus lointain de ses souvenirs, n’a-t-elle pas revu cette scène de mort si simple et si émouvante : la kasbah ornée de trésors inestimables, d’armes et de tentures du plus grand prix ; une nuée de serviteurs empressés autour de cette jeune femme si belle, affaissée mourante au pied de la couche funèbre, où quelques chefs arabes, presque