Page:Ninous - L Empoisonneuse.pdf/384

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comme un boulet au milieu du carnage, du sang, des cris d’agonie et des râles de mourant.

À sa vue, les armes s’abaissèrent, les fronts s’inclinèrent :

— Le général, murmurèrent les brigands affolés, tremblants de peur.

— Lâches ! s’écria celui-ci, lâches, qui tuez des femmes ! Ah ! c’est la légion étrangère !… Des Allemands !… Voleurs !… Assassins !…

Et de son revolver, M. de Sauvetat fracassa autour de lui autant de têtes qu’il avait de coups à tirer.

Les autres, enjambant les blessés et les cadavres, se précipitèrent dehors.

Mais lui, mal éclairé par la seule lampe fumeuse qui ne se fût pas éteinte dans la mêlée, ne voyait pas encore tout son malheur.

— Ô Chériffa ! Chériffa ! dit-il, Miriam ! où êtes-vous ? Miséricorde, si elles avaient pu fuir !

Un gémissement profond se fit entendre ; il s’élança ; il lui sembla que dans un faible soupir on bégayait son nom.

— Ô Pierre !… ce ne sont donc pas des Français qui m’ont tuée ?… dit-elle ; Dieu soit loué !…

Il se baissa et la souleva dans ses bras.

Cette Chériffa inerte et mourante, qu’il entrevoyait criblée de blessures, lui enlevait sa raison.

— Ma femme ! s’écria-t-il, mon amour, ma bien-aimée, ne me quitte pas ; oh ! reste, reste !…

— Enlève-moi d’ici, murmura-t-elle, je ne veux pas mourir dans ce carnage.

Il l’emporta dans la partie de la kasbah qui leur était réservée.

Miriam, à genoux contre sa petite couchette recouverte de peaux de cygnes, attendait sa mère. Nul, heu-