Page:Ninous - L Empoisonneuse.pdf/52

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— Oui, c’est sûr affirma la conteuse, les morts reviennent.

— Certainement, puisque la petite Lucie qui s’est noyée par désespoir d’amour, il y a deux ans, revient toutes les nuits à la pointe du grand moulin, où l’on a retrouvé son corps.

— Non, les morts ne reviennent pas ! dit tout à coup une voix lente et triste.

On se retourna. Celle qui avait parlé était une vieille femme cassée, qui filait sa quenouille avec les autres travailleuses.

À quelques années de là, une épidémie lui avait enlevé en deux semaines son mari et ses enfants. Ne pouvant ni se consoler, ni oublier, elle s’était faite garde-malade pour fuir le plus possible des lieux qui lui rappelaient de tristes souvenirs.

— Puis, disait quelquefois Annon, à voir constamment des douleurs qui s’effacent dans plus ou moins de temps, des désespoirs qu’on dit éternels et auxquels on ne pense plus six mois après, mon cœur se cuirasse, et je supporte mieux mes pensées amères.

— Non, reprit-elle, tout cela ce sont des imaginations ; ceux qui sont morts demeurent bien morts ; mais j’ai vu, moi, il y a quelques jours, une chose plus extraordinaire et plus vraie que toutes vos histoires, j’ai vu un miracle.

Pour le coup, toutes les femmes se signèrent.

À ce moment, la porte de la rue s’ouvrit brusquement et un nouveau venu entra dans la maison.

— Monsieur Larrieu, dit le maçon en se découvrant, qu’y a-t-il pour votre service ?

— Peu de chose, la cheminée de ma chambre fume horriblement, voulez-vous venir lundi l’arranger sous mes yeux ? J’en profiterai pour vous faire connaître