Page:Ninous - L Empoisonneuse.pdf/83

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— Pourquoi ? Ah ! vous êtes naïf ! interrompit le procureur avec un large rire de satisfaction. Tenez, mon cher, vous êtes trop… trop… comment dirais-je ? votre caractère est trop élevé pour voir certaines machinations. Ainsi, vous avez cru que mademoiselle Marianne avait de son plein gré renoncé à être une des plus grandes dames du pays, pour élever mademoiselle de Sauvetat, ou pour terminer son éducation, par exemple, à sa rentrée de Bordeaux. Allons donc ! Moi, qui n’étais pas admis dans la noble famille aussi intimement que vous, je vais vous dire ce qui s’est passé :

M. de Sauvetat, un beau matin, ou un beau soir, s’est aperçu que sa pupille était très belle. Celle-ci — je n’ai pas à rechercher ici à quel sentiment elle a obéi — a cédé aux sollicitations de son tuteur ; elle est devenue sa maîtresse.

Le juge eut un geste de profond dégoût et de dénégation violente.

— Ne niez pas, continua l’autre, cela se voit chaque jour ; les hommes les plus honnêtes rencontrent des femmes qui leur plaisent ; ils font en sorte de ne blesser aucune convenance ; dans ces sortes de liaisons ils évitent tout scandale, et ils demeurent très estimables et très considérés, avant comme après ; si, par hasard, l’épisode se sait, on appelle cela ménager sa femme.

M. Drieux, content de sa définition, se mit à rire. Puis il continua :

— Mais un jour, Jacques Descat arrive, il l’aime, il le lui dit à elle, elle accepte cet amour et croit facile de faire consentir son tuteur à son mariage.

Pas du tout, celui-ci consulté, refuse péremptoirement, et c’est lorsqu’elle est convaincue que le grand seigneur, jaloux, énergique, et par-dessus tout en proie