Page:Ninous - L Empoisonneuse.pdf/91

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le docteur me défend, sous les peines les plus graves, de quitter ce petit coin où je suis consignée.

M. Drieux salua très bas, en murmurant quelques paroles de banale politesse.

M. de Boutin, plus froid, plus sérieux que jamais, n’imita pas son collègue ; son œil profond ne quittait pas madame de Sauvetat.

Elle sentit cette investigation muette, car, tournant la tête avec la grâce câline qui accompagnait chacun de ses mouvements, elle regarda longuement le juge.

Son attitude remplie de dignité était si naturelle, que M. de Boutin étonné s’inclina à son tour.

Ils s’assirent tous deux.

— Nous pardonnez-vous, Madame, commença M. Drieux, de venir troubler vos larmes et les rendre sans doute plus amères ?

Blanche eut l’air de se méprendre au sens de ces paroles et même de ne les pas comprendre.

— Rien ne peut distraire un chagrin comme le mien, dit-elle ; quant à rendre mon désespoir plus profond, c’est impossible ; nulle chose en ce monde n’est capable de l’augmenter. Et je me demande, après le malheur qui vient de me frapper, ce qui pourrait encore me toucher aujourd’hui.

En disant ces mots, sans affectation et sans trouble, elle porta à ses yeux un mouchoir entouré d’une large vignette de deuil.

M. de Boutin se taisait toujours.

— Du reste, reprit-elle après un moment de silence que M. Drieux respecta, et avec un sourire d’une tristesse navrante, la visite des amis de mon mari ne saurait être ni une distraction pour moi ni une profanation pour ma douleur. Parler de lui, ou revoir ceux