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savants. M. Parodi dit : « L’esprit humain est capable en droit de se rendre l’univers, comme la vie, pleinement intelligible ; de même que, allant du simple au complexe et par des énumérations complètes, il résout les problèmes du monde spatial, de même en ordonnant des principes évidents, il doit pouvoir définir son idéal de justice et de sagesse et concevoir une manière de vivre ou une organisation politique vraiment raisonnable. »[1] Parfois un aveu découvre les raisons secrètes de cette tactique, de cette confiance dans les imitations de la science : on lit dans les Études morales de F. Rauh : « Aujourd’hui on veut élever tout le monde à la pensée, propager l’éducation scientifique, mais il n’y a là qu’une nécessité d’un certain moment de l’histoire : tant qu’on peut craindre une réaction religieuse contre l’esprit laïque, il faut maintenir l’idée de la valeur de la science. »

Ainsi la philosophie fournit-elle au besoin des armes aux politiques. Mais son opération se déroule dans une ignorance commune des racines économiques des racines sociales des valeurs qu’elle justifie.

Les philosophes, ayant présentement des situations bourgeoises expriment et justifient la psychologie et la morale de leur classe, compliquées par la psychologie spéciale de leur groupe professionnel. Cette psychologie bourgeoise veut la paix. « L’ordre et la paix. »[2] Un progrès rationnel, raisonnable et facile. Une harmonie à l’intérieur des hommes et dans les relations des hommes. Tous ces éléments forment le style de la psychologie bourgeoise et celui de la philoso-

  1. Bulletin de l’Union pour la vérité, fév.-mars 1919.
  2. E. Durkheim, Division du Travail Social, P. III.