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Les Enfants de la Terre veulent actuellement que la Philosophie aide les hommes à s’enrichir. Ils ne décrivent point froidement leur état. Quand la géologie ne peut pas ne pas reconnaître ses vieilles pierres, quand la physique ne peut pas vouloir que ses pierres lorsqu’on les lance en l’air continuent éternellement à monter comme l’oiseau du malin Petit Tailleur, on peut bien vouloir au contraire qu’une nouvelle vie entraîne les hommes.

Comme il n’existe ni destination éternelle de la Philosophie, ni arbitre surhumain de la Philosophie, voici la situation où nous sommes : il y a des penseurs qui s’accommodent de l’esclavage présent de la plus grande partie de l’humanité et il y a déjà quelques hommes qui, n’aimant pas cet esclavage, entreprennent contre lui et contre ses soutiens une offensive théorique et une offensive pratique, des hommes qui pensent que l’esclavage pose des problèmes réels.

La lutte fut toujours entre ces deux sortes de gens : les uns persuadant que tout va bien ou que tout ira bien, les autres durs à se laisser persuader ; les amis de l’harmonie et ceux qui ne voient pas l’harmonie là où elle n’est point. Les uns bénéficiant finalement de la dégradation des hommes, les autres en souffrant. Les uns disant que la plénitude et que la perfection sont des songes, les autres exigeant temporellement et réellement leur réplétion et refusant les espérances faciles, les terres promises imaginaires et les consolations que les premiers proposent. Les uns voulant faire prendre les vessies pour des lanternes, les autres obstinés à prendre les vessies pour des poches à urine. On retombe toujours sur les exploiteurs ; on retrouve les exploiteurs à tous les carrefours de l’histoire. Aristote est un exploiteur, Épicure n’est pas du parti des exploiteurs.

On me dit que je conclus mal, que du fait