Page:Noël - Fin de vie (notes et souvenirs).djvu/30

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S’ils riaient si bien, ces fiers esprits, c’est que le rire alors avait de l’écho chez nous. Et, de fait, je me rappelle combien, il y a soixante ans, on riait encore, quoique déjà les terribles guerres de l’Empire eussent attristé le monde. Cet attristement par la guerre, au commencement du siècle, les vieux paysans me le signalaient il y a cinquante ans ; toutefois, ceux qui étaient vieux en 1830 conservaient encore quelque chose de l’ancienne gaieté.

Je les vois encore et les verrai toujours, le grand oncle Alexandre, mon père, le cousin Hamel, le cousin Helliot, décoré à Marengo de la main de Bonaparte. Quels bruyants, quels larges et entraînants éclats de rire ! La maison en tressaillait d’aise de la salle à l’atelier ; et si d’aventure on se mettait à raconter les faits, hauts faits, méfaits et bienfaits de maître Pierre Carlu, ça n’en finissait plus. On ne reprenait connaissance de l’heure qu’en voyant le grand-oncle frapper du poing la table, se lever et dire :

— Ah v’là jour !

Les bulletins météorologiques nous avaient annoncé pour ces jours-ci des bouleversements terribles de l’atmosphère que devait suivre un véritable déluge.

Tout cela se résume en une petite pluie fine…