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Page:Noël - Fin de vie (notes et souvenirs).djvu/92

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Il est certainement permis de ne pas faire un dieu de Béranger, et l’on ne pourrait, sans ridicule, prolonger aujourd’hui les éloges excessifs que partout on répétait il y a cinquante ans.

Mais ne doit-on pas, tout au moins, reconnaître qu’il fut un poète parfois très heureusement inspiré ? Ne pas oublier, surtout aujourd’hui, les chansons de Jacques, de Jeanne la Rousse, du Vieux Vagabond.

Alfred de Musset, un jour qu’on dépréciait le chansonnier devant lui, se mit à réciter quelques-uns de ses couplets, celui-ci entre autres :

En vain faut-il qu’on me traduise Homère,
Oui, je fus grec, Pythagore a raison.
Sous Périclès, j’eus Athènes pour mère,
Je visitai Socrate en sa prison.
De Phidias j’encensai les merveilles,
De l’Illinus j’ai vu tes bords fleuris.
J’ai sur l’Hymette éveillé les abeilles.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

— Je donnerais, s’écria Musset, un doigt de ma main pour avoir fait ce vers-là.

Il y eut d’ailleurs en Béranger un côté que ne connut pas Flaubert ; il y eut le causeur judicieux, amusant, réconfortant, et, par-dessus tout, l’homme de sens pratique. Sa réputation de poète faite (et si l’on veut surfaite), l’homme put, durant un quart de siècle, soutenir son extraordinaire popularité par le