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l’eau douce. Pourtant (suis-je donc devenu vraiment un Maorie ?) j’ai des doutes et peu s’en faut que je frissonne. Qu’est-ce maintenant que ces ondulations larges, silencieuses, là, devant moi ? Les anguilles ! — Allons, il faut secouer cette impression paralysante de la peur !

Je me laissai couler à pic pour toucher le fond. Mais il me fallut remonter sans y être parvenu. Du bord, Téhura me crie :

— Reviens

Je me retourne, et je la vois très loin, toute petite… Pourquoi la distance dans ce sens va-t-elle aussi à l’infini ? Téhura n’est plus qu’un point noir dans cercle lumineux.

Rageusement je m’obstine. Toute une demi-heure je nage : le fond m’apparaît toujours aussi loin !

Un point de repos, un petit plateau, quelconque, et au-delà encore un trou béant qui va… ou cela ? Mystère que je renonce à approfondir.

Et je l’avoue enfin : j’ai vraiment peur.

Il me fallut une grande heure pour atteindre le but.

Téhura seule m’attendait. Ses compagnes, indifférentes, étaient parties.

Téhura fit une prière, et nous sortîmes de la grotte.

Je tremblais encore un peu — de froid. Mais au grand air j’achevai de reprendre possession de moi, surtout quand