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NOA NOA

Dieux d’autrefois se sont gardé un asile dans la mémoire des femmes. Et c’est un émouvant spectacle que Téhura me donne, quand, à ma suggestion, peu à peu se réveillent dans sa pensée les divinités nationales en secouant les artificiels voiles où les missionnaires protestants ont cru les ensevelir. En somme, l’œuvre des catéchistes est très superficielle. Leur action, particulièrement sur les femmes, a mal répondu à l’espoir qu’ils en avaient conçu. Leur enseignement est comme une faible couche de vernis qui s’écaille et cède vite à la moindre atteinte adroite.

Téhura va au temple, régulièrement, et pratique des lèvres et des doigts la religion officielle. Mais elle sait par cœur, et ce n’est pas un petit bagage, les noms de tous les dieux de l’olympe maorie. Elle connait leur histoire, elle m’enseigne comment ils ont créé le monde, comment ils le gouvernent, comment ils aiment à être honorés. Quant aux rigueurs de la morale chrétienne, elle les ignore ou ne s’en soucie, et, par exemple, ne songe guère à se repentir d’être la concubine comme ils disent — d’un tané.

Je ne sais trop comment elle associe dans ses croyances Taaroa et Jésus. Je pense qu’elle les vénère tous les deux.

Au hasard des circonstances, elle m’a fait un cours complet de théologie tahitienne. En retour, je tâche de lui expliquer